Drabble 2 - Journée

Je vais le tuer. Je vais l'étriper. Lui faire bouffer mon coussin et le pot de shampoing qui lui sert de micro. Non mais regardez le cet olibrius, à se dandiner en slip tout en braillant comme un porc. Je vais l'étriper. Sérieusement.
"Donne, l'envie d'aimer, mais je vais me coucher, mordre l'éternité, à dents pleeeeeeeeeiineuh !"
GNAP
"AOH PUTAIN DE BORDEL DE... CETTE FOIS JE VAIS TE BUTTER !"
Éternité, le nouveau nom de mon postérieur. Je vais lui faire ravaler ses dents. Lentement. Très lentement, très très lentement. Le voilà qui détalle, mort de rire, en continuant de brailler sa chanson pendant que je m'arrache du lit, la haine dans les yeux, la mort dans le coeur. On est dimanche putain. DIMANCHE ! Et il est même pas 8h du matin !
Je le hais.
Sérieusement.
Je le hais.
Je déboule dans la cuisine, furieux, coussin au poing, et le trouve goguenard, tout sourire, heureux, pancake à la main et appareil photo dans l'autre. Flash.
"Joyeux deux ans de nous, mon amour !"
Je l'aime. Mais je vais le tuer.
"Cours."
"Gyaaaaaaaaaah !"

Dans une autre époque, dans un autre temps, vivait Artride, joueur de piano qui cherchait à se faire accepter des plus grands. Composant sans relâche, il délaissait sa jeune épouse enceinte pour son art. Bien que ses oeuvres étaient tout à fait honorables, il n'arrivait jamais à se faire accepter à la cour de la seigneurie de sa ville car un autre pianiste de grand nom avait déjà pris sa place. Le soir de son cinquantième échec, il hurla en blasphémant toute divinité de lui imposer un tel sort. Ce soir-là, il composa une oeuvre funèbre qu'il ne joua qu'une seule fois. Quelques jours passèrent jusqu'à ce qu'un matin d'une journée de printemps, illuminée, un marquis vienne frapper à sa porte. Que lui voulait-il ? En le voyant, sa femme sentit des douleurs dans son ventre et s'enfuit dans sa chambre pour ne plus jamais le revoir de sa vie. Le compositeur l'invita, l'écouta et conclut avec lui le marché suivant : si le jeune homme arrivait à lui composer une symphonie en une journée, le marquis lui offrait le renom, l'or et l'entrée dans les plus belles cours d'Europe. En preuve de sa richesse, l'homme offrit au pianiste une pièce d'or qui charma instantanément le musicien. Sur ce marché conclu, le marquis partit laissant le pianiste à la contemplation de l'avenir et de cette pièce puis le musicien se plaça à son piano et commença à composer. Les heures passèrent, enveloppé dans sa bulle d'inspiration, il jouait sans relâche, sans arrêt, martelant les touches d'ivoire avec plus ou moins de passion. Il n'entendait rien, ne voyait rien d'autre que sa partition et la pièce posée au coin de son clavier. Rien ne pouvait l'en détourner ni les allées et venues de sa tendre épouse, ni le bruit des discussions dans le salon, ni le bruit de la rue. Les heures passèrent si vite, jouant de luminosité aussi facilement que l'auteur changeait de gammes, le transportant dans une passion fiévreuse. Il n'entendit rien, ni l'heure du souper, ni les plaintes de sa femme et encore moins sa mise au lit. Le soir se fit très vite, sombre et apaisant, enclenchant chez le compositeur une nuance de jeu plus sombre, plus lente, invitant à la contemplation. La lumière monta doucement dans le ciel, éclairant la partition d'une manière divine renforçant ainsi l'envie de contemplation puis elle fut violée par les nuages, enfermant le compositeur dans le plus noir salon qu'il fut, ce fut l'heure au recueillement. Quand la lumière revint fébrilement derrière lui, que l'aube prit sa place, la musique s'acheva alors enfin. Le musicien regarda sa partition noircie de notes, il regarda le clavier taché de sang et leva ses mains à son visage, vit ses bouts de doigts usé, la chair à vif. Il se leva pour annoncer la bonne nouvelle à son épouse, enfin, il allait avoir la gloire, la richesse, ils pourraient vivre pleinement et amoureusement ! Mais quand il vint dans la chambre ce n'était plus de l'euphorie qui l'envahit mais de l'horreur. Sa femme gisait sous les draps blancs, le visage livide, les yeux révulsaient en arrière. Elle était drapée de blanc qui doucement se dégradait de rouge de plus en plus sombre. Il hurla comme jamais il a hurlé de sa vie, il se précipita auprès de son épouse, lui attrapa la main glacée et la posa sur sa joue pendant que son autre main tirait furieusement le drap. Elle ne répondait pas malgré ses appels, elle ne bougeait pas malgré ses secousses. Soudainement, il leva la tête et vit le marquis qui lui sourit. Il lui demanda s'il avait finit sa composition, le musicien mué par la peine ne répondit pas. Le marquis s'approcha alors du lit, se pencha et attrapa une mèche de la défunte qu'il fit glisser entre ses doigts en expliquant au compositeur que s'il voulait le renom, la richesse et l'entrée dans les cours, il ne devait posséder d'attache. Que ce drame était un cadeau de sa part. Le musicien se leva soudainement, voulant étrangler le marquis mais celui-ci se déplaça plus vite et ils arrivèrent dans le salon. Une fois face à face, Le marquis se présenta vraiment, il n'avait pas de titre ni d'argent, il n'était même pas humain, il était le Diable. Il s'inclina auprès du musicien et s'empara de la partition en lui déclarant que la richesse lui viendrait demain, que la gloire dans 2 jours et le renom dans 7 jours puis il disparut aussi silencieusement que son apparition. Le musicien resta au milieu de son salon hébété puis il alla machinalement sur son piano et regarda les touches ensanglantées. Vide de toute pensées, il resta là longuement à les fixer puis il porta son regard sur la pièce en or. Une horreur incommensurable l'envahit et il attrapa la pièce qu'il lança au feu avant d'arriver à son piano et d'ouvrir le couvercle. Il se saisit d'une corde, la plus proche de lui et tira dessus de toutes ses forces s'ouvrant ainsi les paumes. Une fois sa corde libérée, il alla dans la chambre, se coucha à coté de son épouse, lui attrapa la main qu'il posa sur son coeur et tout en se tournant vers elle, il passa la corde autour du cou et serra fébrilement puis de plus en plus fort jusqu'à ne plus serrer...

En une journée, il gagna la richesse, la gloire, le renom et il perdit l'amour, la famille et la vie